Lors d'un récent voyage au Cambodge, j'ai réfléchi au potentiel souvent inexploité des signaux non verbaux. Combien de choses nous échappent lorsque nous ne prêtons pas attention à ces indices subtils, à ces émotions cachées, qui révèlent l'essence de qui nous sommes - et d'où nous venons !
Le Cambodge est un pays magnifique dont le passé tragique n'est pas si lointain. Dans les années 1970, le pays a été le théâtre d'une terrible guerre civile et d'un génocide perpétré par les Khmers rouges. Soucieuse de ne pas rouvrir les plaies, j'ai décidé d'éviter toute référence douloureuse à cette période de l'histoire au cours de nos voyages.
Par une journée ensoleillée, nous avons navigué le long de la rivière Sangkae, bordée de maisons flottantes et de villages de pêcheurs. Repérant un petit restaurant local sur les berges, nous nous sommes arrêtés pour déjeuner. La propriétaire, une dame d'âge moyen, nous a accueillis avec joie. Tout en mettant la table, elle se met à chanter, le sourire aux lèvres. Notre guide s'est spontanément joint à elle, leurs voix se mêlant en harmonie.
Étrangement, même si la mélodie était apaisante, j'ai ressenti une profonde mélancolie en moi....
J'ai ensuite interrogé notre guide sur la chanson. Il m'a expliqué qu'il s'agissait d'une chanson d'une chanteuse célèbre, décrivant la vie typique des Khmers (l'ethnie originaire du Cambodge). Puis, la voix tremblante et les yeux embués, il nous a raconté que la chanteuse avait été violemment assassinée par les Khmers rouges.
Cette chanson était donc à la fois un symbole national collectif, un hymne joyeux à la vie Khmère et un souvenir terrible rappelant à tous une tragédie nationale. C'est pourquoi, même si le restaurateur et le guide souriaient en chantant, j'ai ressenti un sentiment de tristesse....
Le passé est toujours en nous.
Il arrive souvent qu'un son, une odeur, un toucher ouvre la porte à des souvenirs lointains, nous transportant instantanément dans le passé et nous inondant d'émotions. Certains souvenirs sont personnels, d'autres peuvent être collectifs. Certains peuvent être heureux et inspirants, d'autres peuvent être troublants et refléter des traumatismes non résolus.
C'est exactement le phénomène décrit par une célèbre expression française - Madeleine de Proust.
Cette expression fait référence aux odeurs, aux goûts, aux sons ou à toute autre sensation qui vous rappelle le passé ou qui vous fait revivre des souvenirs émotionnels d'une époque lointaine. Elle est tirée d'un roman de Marcel Proust, qui raconte comment le fait de manger une madeleine , un gâteau, le ramène immédiatement à son enfance et déclenche toutes les émotions liées à cette période de sa vie.
L'écoute des signaux non verbaux et l'exploration des souvenirs émotionnels font partie de mon processus de coaching.
En tant que coach, mon rôle est d'écouter activement et de lire les indices offerts par la communication non verbale. Cela inclut le ton de la voix, les expressions faciales et le langage corporel. Parfois, derrière les mots, nous découvrons un souvenir ou une expérience qui pourrait retenir la personne coachée ou la faire souffrir. Il peut s'avérer nécessaire d'explorer et de résoudre ce problème afin de permettre le développement personnel et professionnel du coaché.
Au cours de ce processus, l'empathie est aussi primordiale que la curiosité. En posant des questions à la fois en douceur et saisissantes, je m'efforce de découvrir le souvenir et sa signification sous-jacente. La sensibilité culturelle est également essentielle, car elle m'aide à comprendre si le souvenir est individuel ou collectif. Le langage utilisé par le coaché est très important. Les métaphores, par exemple, résument un sens plus large en quelques mots. Elles impliquent souvent une compréhension commune, en particulier entre personnes ayant le même bagage culturel.
Grâce à un dialogue réfléchi, nous faisons le tri dans les émotions exprimées. Cependant, tous les souvenirs et sentiments ne nécessitent pas une exploration plus approfondie ! Parfois, des indices non verbaux nous conduisent à une douleur ou à un traumatisme caché, mais d'autres fois, ils révèlent simplement une émotion passagère qui s'estompera naturellement avec le temps.
À la rencontre d'un Madeleine de Proust au Cambodge m'a encouragée de continuer à regarder au-delà des mots. Les souvenirs sont de puissants vecteurs d'émotions et de sentiments, qui se révèlent souvent de manière peu évidente. Une exploration plus approfondie de ceux-ci peut enrichir notre compréhension de nous-mêmes - et du monde qui nous entoure.
